mercredi 7 octobre 2020

Jeux vidéo : Tell me why


     Tell me why est une narration interactive signée Dontnod, le studio qui a créé Life is Strange. Elle raconte l'histoire de deux jumeaux qui retournent, dix ans après un terrible évènement, dans leur maison familiale et y découvrent des secrets qu'ils n'auraient pas imaginés. 

On ne va pas y aller par quatre chemin, cet opus m'a terriblement déçue. Je suis une grande consommatrice de narrations interactives, des Telltale aux Quantic Dream, en passant par de l'indé et évidemment les LiS, j'en ai expérimenté un bon paquet. C'est plutôt rare que j'ai une appréciation aussi mauvaise d'une de ces œuvres. Alors peut être que le contexte n'était pas le bon, ou que j'étais mal lunée, mais j'ai grincé fort des dents, dès la fin du premier épisode.

L'opus se découpe en trois parties. La première est une phase d'exposition qui nous présente les personnages, qui malheureusement, n'évoluent pas beaucoup à mon sens au fil des épisodes. D'autant Tyler, le personnage phare de cet opus, est plutôt intéressant et apporte une représentation de la transidentité, encore trop absente dans la culture en général. D'autant sa sœur, Alyson, est lunatique et incohérente dans son écriture, devenant agaçante par moment. Quant aux personnages secondaires, ils cristallisent à mon sens le principal problème du jeu : l'écriture.

L'écriture est à la fois vide et trop chargée. On sent que les scénaristes ont voulu aborder un grand nombre de thématiques importantes et politiques. Malheureusement ils s'y sont perdu, nous sollicitant de toute part sur des choses complètements inutiles pour la narration. Respect des traditions autochtone, écologie, transidentité, sexisme, alcoolisme, manipulation, changement climatique, dépression, camps de rééducation, religion, parentalité, abandon, créativité, culpabilité, magie, homosexualité, isolement, trahison, mensonges, cohabitation, tolérance, deuil. Trop. En fait, on perd complétement la substance, de chaque thématique. On essaie de nous dire trop de choses et finalement cette accumulation à l'effet inverse et nous coupe de toutes émotions et de tout intérêt. Enfin oui et non, la frustration et la colère étaient là, motivées par la déception.

Non seulement le jeu se perd dans ses thématiques, mais elles se contredisent. Le laïus sur le réchauffement climatique et l'écologie en pleine partie de pêche qu'on justifie par la tradition, il aurait été plus judicieux de s'en abstenir. De la même manière, on sent très souvent les facilités scénaristiques et des incohérences dans les comportements de certains personnages, qui s'énervent d'un coup, sans crier gare, suite à un choix modéré. Oui alors parlons en des choix. Il n'y en a quasiment pas, et clairement ils sont si minimes qu'ils ne justifient pas du tout les réactions épidermiques des deux protagonistes. OH MON DIEU JE TE DETESTE, TU AS DIT QUE MAMAN PLEURAIT ALORS QU'EN VRAI ELLE ETAIT EN COLERE. Car évidemment on ne peut pas être triste et en colère en même temps. Oui, c'est ça le genre de choix clés qui modifierons l'histoire. 

Je ne vais pas m'éterniser sur l'écriture même si il y a encore beaucoup à redire. Passons au rythme INEXISTANT de "Tell me why". Ah ? Vous vous attendiez à être balloté de scène en scène sans avoir le temps de reprendre votre souffle ? Vous pensiez vivre des émotions intenses ? Être surpris par des plot twist incroyables ? Spoiler alerte, non. Quand enfin les héros découvrent les grands secrets de famille, pour peu que vous ayez fouillé un peu le livre de contes (équivalent des carnets de notes ou des dessins des LiS) il est très probable qu'un "mais t'es stupide ou quoi" sorte spontanément de votre bouche. Ouais, clairement la connexion des neurones a du être affectée par le froid de l'Alaska car ces deux là mettent vraiment mille deux cent ans à capter des évidences. Rajoutant un faux suspense risible qui vous rendra parfois zinzin. Alysson : "Oh mon dieu, mais qui est ce personnage de l'histoire de ma mère ?!" Vous : "MAIS PUTAIN C'EST SAM !!!!!!!" Alysson : "Allons fouillez la grange pour le découvrir.". Je crois qu'on peut résumer ça à une scène, attention, vrai spoiler naze in coming : il y a une trappe au plafond d'une pièce et, je cite, "maman ne l'avait jamais dit à personne, pourquoi elle nous avait caché ça ?" (lever les yeux était apparemment hors de leur portée). Oui oui, la surprise c'est de savoir qu'il y a un grenier, incroyable n'est-ce pas ?

Avant de conclure, faisons un rapide détour par les graphismes et le gameplay. Les premier sont d'une qualité (si on peut appeler ça comme ça) similaire au LiS, rien de nouveau sous la comète, et toujours pas de budget apparemment. Et le gameplay m'a paru plus rigide, pas plus dur, voir même complètement assisté, mais moins fluide. Sans parler des très nombreuses phases, excessivement longues où il n'y en a juste aucun ou un complètement artificiel, comme le fait de pouvoir tourner la caméra pour regarder le paysage. Alors ça c'est fréquent dans ce genre de jeux, mais en général, on a un peu plus que deux choix de dialogue pendant les dix à quinze minutes que dure la scène. Où alors, il y a aussi les moments où vous observerez un objet et cela coupera le dialogue en cours, sans vous laisser le moindre moyen d'y revenir. Ah, et à d'autres moments, si vous ne regardez pas les objets pendant le dialogue et bien vous ne pourrez plus après. Un plaisir.

Vous l'aurez compris, je suis en colère contre ce jeu. Et je le suis particulièrement car, bien que la trame principale soit complètement creuse sur l'écriture, l'univers développé autour et le potentiel des personnages étaient vraiment qualitatifs et intrigants. C'est un très gros gâchis. Je ne peux pas me prononcer "objectivement" (même si on ne peut jamais vraiment) sur la thématique de la transidentité, n'étant pas directement concernée. Je ne sais pas si elle est traitée de manière offensante ou non, à titre personnel j'ai trouvé ça correct. Mais voilà, c'est l'ensemble qui ne va pas. Des bons moments il y en a eu dans l'épisode un, qui est le "moins pire" mais qui est détruit par le second, vide. Le troisième essaie de rattraper les meubles, mais c'est déjà trop tard, et les quelques surprises qu'on a sont sorties du chapeau sans indices préalables. Alors en soit, j'imagine que le jeu n'est pas non plus le pire, mais mon niveau d'exigence pour ce genre en particulier a été forgé par des œuvres profondément marquantes et touchantes. Et les scènes tire larme de celui ci m'ont plus invitées à faire des pitreries en stream qu'à m'émouvoir. J'ai l'émotion facile, et bien là, c'est le soulagement qui a accompagné la fin du dernier chapitre. Le soulagement que ce massacre s'arrête enfin.


Plateforme : PC

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